Bienvenue chez les Red Osiris

L'examinateur de la promotion de l'année 2020 à la Duel Academia amenait les jeunes recrues les moins chanceuses vers leur petit cabanon. D'un geste fatigué, l'officiel de l'Academia passa la main dans ses cheveux noirs, rendus gras par une canicule particulièrement intense pendant cette journée du 2 Octobre 2007. Certains gosses étaient rendus malades par un trajet en bateau trop éprouvant, la faute au remous des vagues, trop vigoureux pour des cœurs sensibles. Tous vêtus de leurs uniformes rouges, les jeunes recrues suivaient le japonais comme un bataillon peu discipliné. Entre les élèves sérieux, ceux à la plaisanterie facile, les hyperactifs ou les indifférents, tout le monde cohabitait dans un vacarme qui exaspérait le guide improvisé. Trente individus juvéniles en rouge, qui devaient avoir entre quinze et dix-sept ans, étaient menés à leur future demeure. La rumeur des conversations s'intensifiait à mesure que les adolescents voyaient plus distinctement le préfabriqué à deux étages. La baraque des Red Osiris était toujours aussi miteuse pour ceux habitués au grand confort. Certains pestaient, alors que d'autres étaient en extase.

-C'est le plus beau jour de ma vie! s'exclama l'un des étudiants avec ardeur. Des légendes ont vécu ici, vous savez? Il y a Yuki Judai, le gars qui a battu Cronos aux examens d'entrée!
-Ouais, surenchérit un autre, mais aussi Manjome Thunder, le mec aux Ojamas! Il a un style de jeu unique, et en plus de ça, il peut voir les esprits!
-C'est une légende urbaine, non? ajouta un des futurs étudiants, plus sceptique, avec des cheveux teintés de bleu, au visage maigre. Les gens disent que Judai pouvait voir ces fameux esprits mais si vous voulez mon avis, ils enjolivent un peu la réalité. En tout cas, je suis comme vous, ça me motive de pouvoir dormir au même endroit qu'eux!

Le bâtiment constitué majoritairement de bois semblait tenir grâce à une force invisible. Ou pas le coup d'une chance inouïe. L'établissement, sur le rebord de la falaise, donnait à tous une vue directe sur l'océan. Peut-être pour dire aux étudiants que leur avenir, ici, est vague, pensait Kami. C'était que l'endroit ne disait rien de bon, mais c'était bien mieux que son ancienne maison, après tout. Pas plus miteux que le trois-pièce qui avait pu l'accueillir durant son enfance et une partie de son adolescence.

L'examinateur passablement irrité, semblait-il, par la ruée des élèves, laissait tout le monde parler. Il y avait trop d'enthousiasme pour des choses futiles comme "qui dormait là", ou "les légendes y ont inscrit leur trace". Ce n'était pas le sujet qui préoccupait Kami. Non. Il s'agissait plutôt de savoir...

Kami : C'est quand qu'on mange?!

Parlant bien fort, malgré une voix à l'allure faiblarde, sans lever la main ou quoi que ce soit, Kami regardait avec détachement l'assemblée des élèves juste devant, et l'examinateur. Kami pensait "duel", mais Kami pensait aussi "manger".

-Silence, vous tous! hurla l'examinateur, au bord de l'apoplexie. Je sais qu'on vous a dit qu'avec un peu d'intelligence et beaucoup de volonté, vous pourriez faire partie des meilleurs, mais tels que je vous vois, c'est loin d'être le cas dans la réalité!

Il marqua une pause.

-Ce qu'il vous faut avant tout, reprit-il, c'est une discipline constante! Dans cette école, tout est une affaire de mérite. Les conditions dans lesquelles vous êtes logés, ce que vous avez à manger, les accès aux divertissements, tout est sous contrôle par rapport à votre niveau de sérieux! Et à cause de certains freluquets qui ne savent pas contrôler leur enthousiasme ou leur estomac, votre groupe me fait vraiment une très mauvaise impression! Ceux qui font partie du dortoir Red Osiris feraient mieux de manifester davantage de respect! Je suis désolé de vous l'apprendre, mais vous êtes ceux qui ont eu les plus mauvais résultats, donc, vous êtes censés rester attentifs à ce que je vous raconte! C'est compris?

Suite à cette réprimande, les jeunes virent une porte s'ouvrir, au deuxième étage, tout à droite. Un jeune homme dégingandé sortit de sa chambre vêtu d'une longue cape rouge, une sorte de version améliorée de la veste qu'on transmettait aux Red Osiris de l'Academia. Ses cheveux blond cendré étaient un peu gonflés. Arrivé près des escaliers, il apostropha le groupe avec un léger accent d'Hokkaido.

Shigeru: Ohé, les mioches! Vous avez fait un bon voyage? Professeur, je crois que vous pouvez me les laisser. J'étais en train de profiter paisiblement des joies de la solitude dans ma chambre quand je vous ai tous entendus. Vous connaissez les directives de monsieur Samejima. Partez en salle des profs pour vous faire un bon thé, et laissez-moi toute cette marmaille!

L'examinateur regardait le blondinet aux airs mal réveillés comme s'il se retenait d'exploser d'indignation.

-Bien, je vous les confie, fit brièvement le type à la face déconfite. N'oubliez de leur distribuer un PDA à chaque élève! alerta le guide avant de quitter la zone.

L'officiel, visiblement énervé, fit de grands pas pour rejoindre le bâtiment principal de la Duel Academia. L'adolescent gigantesque au grand manteau rouge, quant à lui, se contentait de fixer l'exécutant comme pour mieux l'admirer dans son départ. Lorsqu'il fut certain que lui et les apprentis duellistes étaient seuls, le blond lança:

Shigeru: Je suis certain que vous et moi, on va bien s'entendre. J'ai entendu l'un d'entre vous dire qu'il avait faim, et c'est pourquoi je ne vais pas vous importuner avec un énième discours pompeux. Que tous ceux qui en ont ras-le-bol des formalités me suivent pour dévorer une bonne pizza dans la cafétéria! Ah, j'oubliais! Je suis censé vous demander ça avant que l'on n'entre dans la cantine des Red... Bon! Y a-t-il des questions?

Kami : Oui, moi!

Parlant avant de lever la main, signe d'impolitesse manifeste, Kami entreprit de poser une vraie question. Mais de son expérience, les curieux et les lèche-bottes ne faisaient guère long feu dans le collimateur amical des étudiants, et il valait mieux la jouer autrement. Se faire remarquer, oui. Positivement, certainement. Jouer de l'esprit, encore mieux. Alors, dans la décontraction la plus totale, l'impitoyable nouvelle recrue Red Osiris demanda :

Kami : Et c'est toi qui fait le room-service, ou ça marche comment?

Shigeru: Hahahaha!

Le garçon avait pu rire à gorge déployée. Cette année commençait bien, et il avait hâte de pouvoir mieux observer ce jeune parmi tous les autres.

Shigeru: Et c'est comment, ton nom?

Kami : Sakuraï, m'sieur. Kami Sakuraï.

Peut-être que ces vieux films britanniques avaient eu une influence sur cette jeune personne, en tous cas l'air d'acting sur lequel la réplique avait résonné en disait long sur l'une des passions du Red Osiris. La provocation envers ce qui semblait être un aîné n'avait pas fonctionné sur ledit camarade. Mais tous les autres avaient eu des réactions : la grande majorité, des garçons, avaient lâché des exclamations rieuses, tandis que quelques filles - dont une meneuse à l'air pimbêche - avaient plissé le nez en signe de désapprobation.

C'était prévisible.

En tous cas, le panel de faciès donnait un bon relevé des individus qui se trouvaient dans le groupe de nouveaux. Kami avait, en quelques phrases bien mieux sondé ses collègues qu'en plusieurs heures de voyage sur un bateau - bateau qui n'avait pas épargné l'élève atteint de mal de mer. Dès à présent à bloc niveau orgueil - d'aveu assez mal placé - Kami posa cette fois-ci une question pragmatique qui avait eu la force de mettre l'embarras dans sa caboche :

Kami : On nous a rien dit sur un truc, enfin, mis à part sur le taudis qu'on doit habiter... La répartition, elle se passe comment? L'autre gugus a été très... [regard vers la mer] vague.

Shigeru Yamane: Héhéhéhéhéhé...

L'homme avait penché le menton vers sa poitrine, en tentant de contenir un rire amusé. Il releva le visage vers le troupe, en ne manquant pas d'afficher son sourire le plus accueillant.

Shigeru Yamane: Tu trouves que j'ai l'air d'un groom-bagagiste? En tout cas, le prof a dû vous le dire, mais malheureusement, vous avez eu les moins bons résultats. Vous avez dû passer deux tests avant d'être amenés en bateau sur cette île. D'abord, le test écrit, avec tout son lot de problèmes. Un truc sadique, à s'en arracher les cheveux. Puis le test pratique, qui consistait en un simple duel devant une foule avide de spectacle. C'est comme si vous étiez des gladiateurs modernes, les jupettes et les cottes de mailles en moins!

Le drôle de type avait marqué une pause, en espérant en faire rire quelques uns. Voyant que tout le monde était calme, il reprit ses explications.

Shigeru Yamane: À l'issue de chaque test, les ordinateurs de la Kaiba Corp vous ont attribué une note. La moyenne de ces deux notes fait que vous vous êtes retrouvés au bord de l'océan, dans les rangs de ceux que nos chers administrateurs appellent le fond du panier. Mais vous savez quoi? L'histoire de cette école leur a déjà montré qu'ils avaient tort! Comme certains d'entre vous le savent, l'un de nos meilleurs représentants était un Red, comme vous autres. En parlant des meilleurs, j'ai oublié de me présenter. Je m'appelle Shigeru Yamane et je suis étudiant, tout comme vous! J'arrive sur ma troisième et dernière année. Comme l'école n'a pas encore trouvé de professeur référent pour la section Red Osiris, c'est moi qui suis en charge de vous bizu... Je veux dire, de vous aider à avoir confiance en vous-mêmes dans ce monde sauvage! Toutes les chambres ici sont similaires, de la déco aux lits superposés qui craquent quand vous êtes allongés dessus. Enfin, toutes sauf une. Mais on aura le temps d'en parler plus tard. Si vous souhaitez changer de dortoir et profiter d'un environnement plus cossu, il faudra réussir à obtenir des résultats suffisants aux tests mensuels. Alors, vous aurez une chance de passer chez les Ra Yellow, voire directement chez les Obelisk Blue si vous êtes un crack. Vous pouvez aussi choisir de conserver votre place chez les Red. C'est ce que j'ai fait pendant deux ans, parce qu'on est plutôt au calme, ici. Et que j'aime emmerder les profs. Voilà Sakuraï, je pense que ça répond à ta question?

L'histoire de l'école avait été résumée dans les grandes lignes, mais se faire comparer au fond du panier par quelqu'un qui avait consciemment gardé sa place chez Osiris était ridicule, de ce que se disait Kami. Un duel pourrait régler ça, mais... il fallait garder l'ascendant et le suspens. En ce qui concernait la question de la répartition, c'était à la fois vague et précis, surtout au niveau des places attribuées dans les chambres. Est-ce que le... "PDA"... donnait d'office un numéro à un étudiant, ou est-ce que c'était l'autre zigoto de troisième année qui faisait des groupes de son bon-vouloir sadique?
Kami le savait. Prendre une tente, ou un sac de couchage, ça aurait été plus pratique que de s'en remettre à l'administration hasardeuse de la Kaiba Corp. A l'instar de Disney Land, le parc avait déjà connu des problèmes de gestion, alors l'Académie...

Kami : Ouais, en gros, ça va. J'vois pas quoi ajouter de plus qu'un "bonjour" de courtoisie.

Shigeru Yamane: Alors, c'est parfait! Je ne sais pas pour vous, mais j'ai la dalle! Venez, sinon toute la pizza risque de disparaître dans un trou noir!

Il avait dit ça en riant. Shigeru emmena la petite troupe avec enthousiasme vers la cafétéria, greffée au rez-de-chaussée, sur le côté droit du bâtiment. Au loin, on voyait le référent faire coulisser un panneau de bois, en faisant des grands signes, comme pour attirer les gamins à l'intérieur. Alors que les étudiants fraîchement admis suivaient l'homme blond d'un pas irrégulier et hésitant, l'adolescent sceptique au cheveux bleus, qui avait pris part aux conversations concernant l'histoire du dortoir plus tôt, se tourna vers Kami. Il avait les oreilles percées par des écarteurs et une casquette noire au-dessus de ses mèches teintées. Il adressa un sourire mauvais à son camarade.

???: Hé, binocles, j'espère que tu es aussi bon en duel que pour faire des blagues. Après le dîner, ça te dirait de prouver ce que tu vaux?

Parer l'éventualité d'une interaction imprévue déstabilisa Kami un instant. En plus, les lunettes, c'était tout récent, alors quand l'invective eut enfin effet, "Binocles" se retourna vers l'autre étudiant. N'affichant pas un air amical avec son sourire en coin, sa dégaine affirmait un côté un peu yankee à demi assumé. S'il était là, chez les Osiris, c'était que le garçon ne devait pas franchement être forcément une lumière, tout dans l'apparence, rien dans la tête. Derrière ses verres, Kami réfléchissait à toute vitesse. La réponse lui vint instinctivement, après des semaines et des mois d'observation de ses pairs.

Kami : Ah. Je ne savais pas que la Duel Academia prenait aussi des gars recalés à des castings pour être l'ex-futur idol branché? A moins que tu ne sois plus vieux qu'il n'y paraît et...? Oh, et puis laisse tomber. Va voir ailleurs si j'y suis. Tu dénotes trop dans mon espace visuel.

Perdre son temps avec de la chair à canon n'était pas vraiment la passion de Kami. S'il fallait jouer contre quelqu'un, ce n'était pas face à de la marmaille de sa génération. Non. Il fallait voir au-delà de ces petites têtes, voir d'autres dortoirs, voir plus vieux.
Refuser de la sorte relevait certainement de l'inconscience. Et, déjà, quelques élèves - dont la fille meneuse d'un groupe d'autres filles, que Kami avait pu apercevoir un peu avant - allaient mal juger. Mais Kami n'était pas là pour se faire des amis. Ou pas de façon consciente et voulue, tout du moins.

À la réplique cinglante de Kami, certaines langues se déliaient et des élèves plus détendus que d'autres prenaient goût au conflit, en riant de bon cœur ou en commençant à établir leurs pronostics. La bleusaille aux oreilles percées ne perdait pas contenance. Pire que ça, l'élève relançait Kami avec acharnement, espérant obtenir ce qu'il voulait à tout prix: une démonstration de force devant les autres Red, pour prouver qu'il méritait sa place dans cette école.

???: Pardon, Peter Parker, je ne savais pas que tu étais trop fort pour moi. À moins que ce ne soit que de la frime? Qu'est-ce qui se passe, binocles, tes mains collent trop pour piocher tes cartes? Je te propose un duel d'homme à homme. Tu as trop peur pour relever le défi?

Shigeru, qui, avec l'expérience des années, développait l'ouïe nécessaire pour repérer les conflits, s'approcha des deux jeunes et les sépara d'un geste des bras, sans attendre que la situation ne dégénère davantage.

Shigeru Yamane: Stop, les terreurs! Vous aurez tout le temps pour les hostilités après, croyez-moi. Bon. On va manger?

En se montrant un peu plus directif qu'à l'accoutumée, le nouveau responsable de la section Osiris Red fit parvenir tout le groupe à l'intérieur de la cafétéria. L'espace était chaleureux et convivial, avec des murs légèrement lézardés. Une subtile odeur de chou chinois se dégageait des plats, tous posés sur les tables, sans doute préparés avec soin. Les étudiants se mirent alors à manger, et même si les ingrédients étaient trop forts pour quelques gosses un peu sensibles, la plupart des Red de première année furent conquis par cette pizza. Shigeru pensa qu'en les ayant achetés par l'estomac, ils seraient beaucoup plus dociles pour ce qui allait suivre. Beaucoup de regards étaient orientés vers Kami et le gus aux cheveux bleus.

Si je suis Peter Parker, alors ce gars est le pire des bouffons... Mais bon, passons... pensait Kami qui n'avait d'autre objectif premier que de manger. Et le signal donné par Shigeru, l'élève de troisième année, amenait Kami à se dire que l'histoire du duel serait à régler plus tard. Ou l'autre garçon allait oublier en mangeant. En fait, Kami se fit la réflexion que les élèves du dortoir Red étaient des cohortes d'animaux, certains craintifs et d'autres agressifs, et qu'il fallait composer avec. Les jeunes se réunissaient déjà en troupes, en petites masses, à l'instar des bêtes. Ou peut-être était-ce la désillusion de Kami, ou encore son tempérament fraîchement désabusé, qui donnait un terreau fertile propice à ce genre de pensées?
Bref. L'estomac de Kami se tordait de faim, et se mit à gronder férocement. Un bruit horrible se mit à retentir, un mélange de groulements et de "pouics pouics" de jouets pour chiens.

??? : Grande bouche, mais rien dans le ventre. Ah, ce ne sont plus des hommes de nos jours.

La meneuse de la patrouille des filles s'était exprimée tout haut, rajoutant de l'huile sur le feu de la joute verbale initiée par le garçon aux cheveux bleus. Kami n'avait vraiment pas envie de participer à tout ça, même si son index était déjà pris dans l'engrenage. Mais mince, quoi, les pizzas n'allaient pas aller en se réchauffant!

Shigeru était assis à l'autre bout de la cafétéria, une flasque à la main. Entre deux lampées d'un spiritueux interdit dans l'enceinte de l'école, il jaugeait les étudiants du regard. Le grésillement du vieux frigo à l'arrière l'empêchait d'entendre de façon suffisamment claire ne serait-ce qu'une bribe de conversation. De toute manière, la plupart étaient trop concentrés sur leur repas pour avoir des échanges vifs, mais il vit que des amitiés s'étaient déjà formées. Éphémères ou non, seul le temps le dirait. Heureusement qu'il avait été là pour séparer Sakuraï du teigneux à casquette, sinon, les choses auraient pu prendre une mauvaise tournure. Non pas qu'il n'aimait pas ça, il avait même une sorte de petite passion coupable quand il s'agissait d'assister à des bagarres d'ego. C'était pour ça qu'il avait accepté son rôle de référent. Mais cela aurait été mettre le feu aux poudres un peu plus vite que prévu. Cette année, le principal Samejima lui avait fait confiance pour gérer les choses le temps qu'un nouveau professeur soit engagé. Il n'allait pas tout foutre en l'air en laissant ces mouflets faire leur loi tous seuls! En cet instant, Shigeru se demanda si lui aussi avait été aussi impertinent que tous ces gosses, quand il était en première année. Il rit intérieurement. Bien sûr que oui. Il avait eu le feu sacré, et il l'avait encore aujourd'hui. Simplement, il était temps de songer à l'avenir. Mais tout cela ne le mènerait à rien pour le moment. Il fallait profiter ici et maintenant de toutes les bonnes choses, tant que sa place à l'Academia le lui permettait. Il était temps pour les première année de faire leur entrée dans le monde des grands.

Shigeru Yamane: Bon, tout le monde a fini? Avant de vous transmettre vos PDA (il hissa un sac sur le bar), il faut que je vous prévienne. Ça ne sera pas de tout repos. Malgré toute l'histoire de ce dortoir en si peu d'années, le nombre d'élèves Osiris qui décrochent est croissant. C'est physiquement et psychologiquement éprouvant d'être ici, et à vrai dire pas toujours épanouissant pour ceux qui arrivent avec une faible estime d'eux-mêmes. Tous les profs ne vous accorderont pas le temps que vous méritez. Non pas que je les mette tous dans le même panier, mais pour avoir l'impression d'être à votre place, il vous faudra une bonne dose d'autonomie. Pour commencer, sachez que le Yen n'a plus du tout cours, ici. Si on tient à ce que vous utilisiez les PDA, c'est aussi parce qu'on vous verse une monnaie virtuelle sur l'île. Ce sont les Duel Points, ou plus simplement, les DP. Chaque semaine, on vous verse 2000 DP. En dehors des repas scolaires qui sont gratuits, les DP vous permettent d'accéder à de très nombreux services. L'accès à des consoles de jeux, des massages thérapeutiques, et même vous faire livrer de la cuisine étrangère! C'est pourquoi on vous a demandé de ne pas arriver avec des objets de valeur ici. Vous pouvez toujours joindre vos proches par mail ou passer des appels dans une certaine limite horaire, mais si vous ne gagnez pas de duels, vous aurez le strict minimum pour vivre, et rien de plus. Cela marche de cette façon parce que l'Academia veut vous mettre en compétition. Pour la Kaiba Corp, c'est une façon de préparer en amont ses futurs employés, pour voir lesquels ont le plus de volonté, vous saisissez?

Aux propos du troisième année, on entendit une partie des élèves réagir violemment.

Shigeru Yamane: J'ai des problèmes avec ce système, moi aussi. De cette façon, les Ra Yellow ou les Obelisk Blue vous considèrent comme leurs proies, parce qu'ils s'imaginent qu'ils vous battront facilement et gagneront encore plus de DP pour acheter des privilèges. C'est pourquoi je ne ferais pas comme les autres référents. Sous vos assiettes, il y a des numéros. Je ne vais pas vous demander de vous entre-déchirer. Au contraire, je veux vous endurcir individuellement, sans que vous n'ayez à vous comparer aux autres. Vous avez bien mangé? Tant mieux! Parce que maintenant, on passe aux choses sérieuses, et je ne laisserai personne y échapper. Vous êtes trente. On va rester debout toute la nuit. Ce soir, votre ennemi commun, c'est moi.

Un brouhaha suivit cette révélation. Certains ne comprenaient pas alors que d'autres étaient excités. Une minorité, plus rare, paniquait. À ce moment précis, un Obelisk Blue, presque aussi grand que Shigeru, pénétra dans la cantine. Il avait des cheveux noirs coupés court et des yeux intimidants, d'une couleur bleu acier. Clairement, au premier coup d’œil, on aurait pu penser qu'il faisait partie d'une organisation criminelle, ou peut-être même qu'il la dirigeait.

???: Leur ennemi commun? Tu y vas un peu fort, non?

Shigeru: Ah, bonsoir Hiroshi. T'en as mis, du temps! Tu es vexé parce que j'ai parlé en mal des Blue? C'était pas personnel!

Hiroshi: Rien à voir, toi et moi savons que la couleur de cette veste ne signifie rien. Je te rappelle qu'on a fait partie des Red ensemble. Et je ne considère pas ceux-là comme de la chair à canon non plus. Tu devrais reprendre, vu les têtes qu'ils tirent.

Shigeru: Oh, ouais, t'as raison... Bon! Vous allez tous m'affronter, dans l'ordre croissant par rapport au numéro que vous avez obtenu. La petite subtilité, c'est que ça se déroulera dehors pendant que mon ami Hiroshi vous surveille, et vous jouerez contre moi un par un pendant que les autres attendront. Vous savez pourquoi? Parce que je sais très bien que pour une bonne partie d'entre vous, jouer avec une foule qui vous regarde, ce n'est pas juste. C'est déjà vous conditionner pour être un professionnel avec des critères non objectifs comme la victoire ou la défaite, alors que vous êtes à une période de vos vies où vous avez justement besoin de vous construire. Pour certains, vous êtes comme votre premier deck. Vous avez beaucoup de qualités intéressantes, mais vous devez encore trouver votre fonctionnement optimal. Naturellement, ça restera une compétition. Alors, j'ai fixé un petit enjeu. Celui ou celle que j'estimerai le ou la meilleure d'entre vous aura un privilège, par rapport aux autres. Ce sera le seul, et ça tournera. Le vainqueur occupera la suite de cinquante mètre carrés, anciennement construite pour Jun Manjome!

Kami : Quoi?! Cinquante mètre carrés?! Vache, c'est géant!

Et c'était pile ce qu'il fallait à Kami pour pouvoir vivre en toute décence. Tout gosse, son habitude avait été d'avoir un espace à partager avec une famille bruyante, dans un petit trois-pièces mal conditionné et peu adapté. Alors avoir une si grande chambre à disposition, c'était pouvoir avoir un petit havre de paix. Mais le prix était trop beau et ressemblait trop à des attrape-nigauds de fête foraine, comme le jeu des pinces où on se faisait avaler ses économies en moins de temps qu'il ne fallait pour dire Kaiba Corp.
Kami se ravisa. S'étant levé brusquement, la jeune paire de lunettes sur pattes tenta de reprendre son calme et sa contenance. C'était trop alléchant pour ne pas avoir des petites lignes en bas du contrat qui ne stipule une contrepartie agaçante.

Kami : Mais si on joue toute la nuit, les uns après les autres, forcément, le dernier sera désavantagé par la fatigue, et accusera le poids de la nuit presque blanche. Ou vous comptez dessus?

Kami se montrait d'une méfiance étonnante. Les coups en douce, ça le connaissait.

Shigeru: En voilà un petit malin, tu ne trouves pas, Hiroshi?

Le blondinet s'adressa à son vieil ami en lui donnant un coup de coude. L'étudiant Obelisk Blue, lui fixa son regard dur sur Kami. Il surplombait le jeune homme de toute sa hauteur, le torse bombé et le menton avancé.

Hiroshi: Vois plutôt ça comme une opportunité. Je vais vous surveiller, mais ça ne veut pas dire que vous ne pouvez rien faire. Tout d'abord, Shigeru a décidé de rendre toutes les consommations gratuites ce soir, y compris les sodas qui en temps normal vous coûtent des DP. Ensuite, rien ne vous interdit d'échanger des cartes ou de vous consulter. Les premiers à passer peuvent choisir d'aider les autres, en révélant la stratégie de Shigeru. Tu ne vas pas changer de deck entre temps, n'est-ce pas, Shigeru?

Shigeru: Tu leur en dis trop. Je vais commencer par appeler le numéro un. Qui est-ce?

Le garçon aux cheveux bleus se leva.

???: Je m'appelle Kota Sayama. Et je vais vous battre.

Shigeru: Ah oui? Je ne demande qu'à voir, alors. Tu es bien confiant. Ok! Suis-moi.

Ils quittèrent alors la cafétéria, laissant tous les nouveaux avec un Hiroshi stoïque aux bras croisés, qui les regardait comme s'ils allaient repartir en ayant dévalisé le frigo ou volé une babiole. Puis, les discussions revinrent, mais le gars aux yeux bleus mit le holà.

Hiroshi: Vous allez baisser d'un ton tout de suite, ou vous allez tester un choc thermique dans les profondeurs de l'eau, dehors.

Curieusement, plus personne ne parla trop fort, et les sons ne furent plus qu'une vague série de chuchotements.

Hiroshi: Merci.

Lorsque Shigeru revint avec Kota, ce dernier affichait une mine décrépite. Des élèves lui demandèrent alors ce qui s'était passé, mais l'adolescent aux cheveux bleus refusait de répondre quoi que ce soit. Les numéros s'enchaînaient et Kami eut la malchance d'avoir obtenu le numéro trente, mais la recrue à lunettes de Red Osiris resta éveillée bien assez longtemps pour entendre quelques témoignages, qui avaient tous pour point commun une cuisante défaite. L'attente semblait interminable. Lorsque le tour de Kami arriva enfin, Shigeru affichait toujours son grand sourire. On entendait encore des gémissements plaintifs, du côté des première année.

-Et toi, t'avais gagné?
-Même pas... Mais si on voit le bon côté des choses, j'ai tenu une trentaine de tours.
-C'est dégueulasse, non? Ils veulent nous priver de sommeil ou quoi? En quoi ça nous aide?

Le responsable de tout ce beau monde, lui, était empli d'une joie à peine dissimulée.

Shigeru: Eh bien, on dirait que c'est notre tour, Kami Sakuraï. Désolé pour l'attente, d'habitude, je suis bien plus rapide. On a une promotion de gens doués, cette année!

Le sommeil gagnait peu à peu Kami. Tenir sa tête sur ses épaules relevait d'un défi en soi. Maudit soit cet élève de troisième année, et son pote aux airs lugubres. Ils auraient une correction appropriée en temps et en heure.
C'était insensé, tout ce bazar. Pour une piaule. Pas n'importe laquelle, mais quand même. C'était contraire aux... Ouah... Si je continue à bailler de la sorte, je ne vais pas avoir fière allure en duel... Kami avait toujours été le dernier choix lorsque des équipes se faisaient, ou que des examens étaient à passer. Le social de la vie constituait en une énorme file d'attente, et c'était pour tromper un peu cet ennui que l'élève s'était embarqué sur un cargo en direction de l'Académie. C'était en quelque sorte cette attente de toujours qui avait dû amener Kami dans le dortoir rouge, aussi, après les examens d'entrée. Mais ce n'était plus qu'une question provisoire...
Bref, ce n'était là que des divagations d'un esprit fatigué, troublé par le fait d'avoir eu tromper Morphée et à feindre la forme.
Les commentaires de ses camarades ne laissaient pas une grande place à la confiance que Kami avait en ses compétences de duel. Certes, passer les examens avait été acceptable -peut-être à cause de l'euphorie contagieuse. Mais se trouver face-à-face avec quelqu'un qui l'ouvrait autant, enfin, quelqu'un comme Shigeru. C'était une autre paire de manches. Il n'avait pas l'air méchant, mais sacrément joueur et taquin sur les bords. Quelque chose que Kami aurait apprécié chez un gars, habituellement, cependant, en la présente situation, ça ne l'amusait pas du tout.

Kami : Non, mais je retiens le fait qu'épuiser une troupe soit une spécialité du contournement du règlement intérieur. Et je me prête quand même au jeu, comme les autres... (Kami réprimanda un bâillement en esquissant un drôle de sourire.) On verra de qui des deux dernière poules mouillées qu'il reste, entre toi et moi, y laissera des plumes!

Imitant grossièrement le cri de la poule, Kami s'arma du Duel Disk laissé sur la table pendant le temps de souffrance des autres élèves. La poignée large du disque s'ajusta au bras de Kami, lui conférant une sorte d'exo-squelette partiel. Un habillement très choc qui faisait aussi très mecha. Bien que Kami n'aimait pas trop les mechas, le disque n'avait pas tendance à être une gêne, bien au contraire.

Kami : En garde!

Kami Sakuraï VS Shigeru Yamane:

Le jeune Red Osiris et le responsable de sa section avaient livré un duel éprouvant et serré. L'attaque finale avait finalement été portée par Shigeru avec son "Lancelord Laval" malgré la puissance du "Dragon Interplanétaire Violépineux" de Kami. La nuit noire enveloppait les deux jeunes, et seuls quelques réverbères ainsi que les lueurs des hologrammes leur permettait de voir leurs silhouettes respectives. Shigeru s'approcha de Kami, lentement, en poussant un soupir de satisfaction.

Shigeru: Sacrée partie. Alors, comme ça, tu aimes les dragons?

Le gus espérait entamer une relation de confiance avec le première année, qu'il trouvait plus que prometteur. Lui et le type aux cheveux bleus avaient été les seuls à réellement le mettre en difficulté, mais pas au point de lui arracher la victoire. Il ne savait pas encore qui bénéficierait de la fameuse suite de Manjome, car les deux l'avaient réduit à 400 points de vie, avec des séries de combinaisons et d'invocations audacieuses.

Le Shigeru se voulait amical, mais Kami ne savait pas vraiment comment réagir à cela, ni comment vraiment interpréter cette approche. Comme les personnes pouvaient être sournoises... Et bon, quel type sain d'esprit irait livrer des duels de la sorte?! Avec méfiance, Kami se plia à l'exercice de la réponse et lâcha, timidement :

Kami : Oui. Je sais pas, ils sont sympas et stylés, avec les grandes dents, les écailles et les ailes. Mais bon, à choisir, j'aimerais plus un cracheur de boule de poils que de boules de feu, si je voulais un pote.

Dans l'amertume de la défaite, la jeune recrue des Rouges restait sur ses gardes - et plutôt dans l'énervement contenu. A croire que la "Tortue Ovni" laissée en mode attaque était un vulgaire piège placé là par Shigeru. Ah, quelle belle arnaque le Raigeki!
Tentant de ne pas paraître dans une attitude fermée, Kami se prêta aussi à l'échange, bref, rapide. D'une seule réflexion.

Kami : Et toi, pourquoi un jeu "tout feu tout flammes". C'est un vrai enfer.

Shigeru: Oh, tu viens de donner une partie de la réponse, haha! Je ne sais pas pourquoi, mais tout ce qui a un lien avec l'Enfer et la Mort me fascine. Je suis allé jusqu'à lire La Divine Comédie de Dante, c'est dire! Et puis, j'aime l'idée que l'immortalité puisse nous consumer. C'est pour ça que j'ai pour carte fétiche mon Phoenix Sacré, mais tu ne l'as pas encore vu en action. Je ne risque rien à te le montrer... Le voilà.

Shigeru tendit sa carte à Kami avec une certaine bienveillance, comme un gosse qui montre son plus grand trésor. Il ne savait pas pourquoi, mais il se sentait en confiance avec ce gars.

Shigeru: Peut-être parce que je pense un peu comme Nietzsche. Ce qui ne nous tue pas... Enfin, tu dois connaître la chanson. Je lis beaucoup de philosophes européens. Mes parents étaient du genre à dire que ça ne servait à rien... Ah, désolé. Je te raconte ça sans trop y réfléchir!

Il se gratta l'arrière du crâne en regardant ailleurs, comme s'il avait franchi une limite invisible et que cela allait lui coûter l'estime de son interlocuteur.

Shigeru: Tu devrais venir avec moi. Les autres doivent avoir l'estomac bien irrité, avec toute la caféine qu'on leur a laissé. Je pense qu'on va bientôt savoir qui aura cette suite!

En réalité, il n'en savait encore rien. Zut, comment départager ces deux-là? Il demanda à Kami de le suivre pour regagner la cafétéria. Une fois revenus, le blond demanda au dernier élève à avoir passé son test d'aller s'asseoir. Le gosse avait eu l'air ronchon à cause de sa défaite, mais le gars aux oreilles percées aussi. Shigeru n'aurait pas pu se résoudre à leur dire qu'ils étaient en concurrence pour la suite, même si ça aurait été marrant de les voir gesticuler avec leurs petites mains, pour s'étrangler mutuellement. Au vu des derniers événements, il ne pouvait pas non plus les mettre à deux dans la chambre. Il fallait faire un choix, en sachant que l'un deux allait forcément en pâtir.

Shigeru: Avant toute chose, je tiens à tous vous féliciter. Aucun d'entre vous n'a abandonné la partie, ce qui est déjà une petite victoire en soi. Je sais que ça a l'air pompeux, mais votre courage face à cette situation qui était au mieux inattendue, mérite largement d'avoir veillé tous ensemble. Mais il est temps que cette soirée d'initiation chez les Red s'achève! Le vainqueur et locataire de l'ancienne suite de Jun Manjome est...

Shigeru réfléchit à toute vitesse. Sur le plan de la technique, il aurait donné un avantage à celui qui portait la casquette, dont il se rappelait vaguement le prénom, Kota. Ses manœuvres avaient sûrement été étudiées à l'avance et son style de jeu lui rappelait celui de son ami Hiroshi. Il ne laissait passer aucune émotion, et avait même réussi à bluffer pendant leur affrontement. Mais celui qui avait eu le plus de présence et d'âme avait de loin été Kami. Il était impertinent, répondait sans cesse, mais toujours avec esprit. Sans grandes ressources, il s'adaptait vite, même dans une situation chaotique. Il avait besoin de moins de temps que l'autre pour jouer ses coups. En termes de potentiel et de réactivité, Sakuraï pouvait davantage être considéré comme un futur duelliste professionnel. Mais lui donner la suite, ce serait aussi lui mettre une cible dans le dos pour les futurs étudiants. Fallait-il le mettre dans cette position potentiellement inconfortable? D'un côté, si Shigeru avait vu juste...

Shigeru: Kami Sakuraï! Tu peux venir prendre ton PDA et tes clés!

S'il avait vu juste, Sakuraï progresserait encore plus vite, si on lui mettait la pression. Ça avait l'air d'être un sacré tire-au-flanc, tout comme lui par le passé. Mais Shigeru se sentait maintenant apaisé, à présent convaincu d'avoir fait le bon choix. Le type au cheveux bleus tapa du poing sur sa table et sortit.

Un large sourire illumina le visage de Kami. Même si, au fond, vouloir battre un troisième année n'était pas que pour avoir la chambre. Au fond, qu'il y ait des lits qui craquent et qui sentent la lessive bon marché importait peu. C'était battre quelqu'un d'autre qui était intéressant. Toutefois, personne n'avait vraiment gagné. Personne n'avait battu l'autre zozo. Surtout, Kami n'avait pas l'impression d'avoir fait meilleur jeu qu'un autre étudiant, soulever une vague de protestations contrôlées avec un commentaire serait une bonne chose, certainement. Et il semblait bien que...

Kami : C'est injuste, je n'ai pas rempli toutes les conditions pour gagner. Il fallait t'impressionner largement, Shigeru. Je ne pense pas avoir réussi, peut-être que quelqu'un a fait mieux, et quelqu'un mérite peut-être plus cette place. Et...

??? : Va t'acheter un orgueil au lieu de te la jouer boy-scout.

Une voix s'était élevée à l'autre bout de la petite salle. Une fille aux cheveux décolorés, qui ne semblait pas tout à fait japonaise, remontait sa bouche en une drôle de grimace, marquant un dédain bien affiché. Kami regardait la blonde, incrédule. Y'a des gens qui savent pas qu'on ne coupe pas la parole... Crétine... En son for intérieur, Kami se serait mis à répondre, mais ce n'était pas le ton voulu. Ignorant la remarque, le Rouge continua ce qu'il avait à dire.

Kami : Et j'aimerais avoir la possibilité de cohabiter avec quelqu'un à qui foutre la pâté de sa vie, chaque soir.

Kami se leva, vont retirer son PDA mais refusa d'attraper les clés de la chambre. Au pire le studio aménagé deviendrait au mieux la nouvelle piaule d'un vrai responsable de dortoir, au pire une salle de jeu pour tous les élèves du dortoir. Ou bien Shigeru garderait les clés pour lui, même q'il semblait bien que le luxe de cette dépendance ne soit pas de son goût - sinon, pourquoi organiser un genre de "Battle Royale vs. Un", contre lui?

Décidément, il y avait un sacré lot de caractériels dans cette promotion de 2020. La gonze qui avait coupé la parole Sakuraï était plutôt jolie, pensa Shigeru de façon coupable, mais un peu trop "reine du bal" pour être complètement de son genre. Elle l'avait affronté en seizième, avec des monstres de type zombie, et elle avait fait partie des meilleurs duellistes. En tout cas, la réponse du jeune homme couplée à son soudain accès d'humilité avait surpris le troisième année.

Shigeru Yamane: Hum, si je comprends bien, tu refuses la chambre? On aurait jamais prédit ça. Hein, Hiroshi?

L'étudiant Blue flippant, de sa voix calme mais nette, se rapprocha un peu de Kami pour mieux voir ce dernier.

Hiroshi: On dirait que le gagnant a été assez malin pour court-circuiter ton expérience, non? Regarde-le bien. Il pense sincèrement ce qu'il dit. Tu vas faire quoi?

Shigeru maintenait le silence. En effet, l'idée était que Sakuraï puisse provoquer la jalousie des autres en les faisant tous s'améliorer, le locataire de la chambre y compris. Visiblement, cette stratégie pédagogique vicieuse avait ses limites, et peut-être sans le savoir, l'ado à lunettes avait réduit à néant le plan concocté par son responsable. Shigeru pourrait toujours interdire la chambre à tous les élèves en conséquence jusqu'à la fin de l'année, et ainsi provoquer malgré tout une vague de ressentiment contre Kami. Mais ce ne serait pas très malin, ni forcément juste. De toute manière, le jeune Red aux dragons s'était déjà fait au moins deux ennemis.

Shigeru: Je viens de penser à donner la chambre au deuxième, mais à mon avis, il a un tel orgueil qu'il me jetterait les clés à la figure. Bon! On va faire plus simple. La chambre est remise en jeu dès le premier soir, après les premiers cours. Ceux qui souhaiteront en bénéficier n'auront qu'une seule chose à faire: me battre. Premiers arrivés, premiers servis! Maintenant, venez tous chercher un PDA. Une fois cela fait, vous pourrez vous rassembler par groupes de deux ou trois. Pour les groupes de deux, certains élèves de deuxième ou troisième année occupent déjà leurs chambres, donc, soyez polis quand vous y arriverez. Ils ont été prévenus de ce test, mais la fatigue pourrait quand même les rendre, disons, plus irascibles. Hiroshi, tu pourrais aller chercher le type au couvre-chef, ça m'arrangerait?

Quelques minutes plus tard, Kota était revenu, la moue sinistre. Les élèves partirent assez rapidement les uns vers les autres dans le calme, avec le contrôle régulier d'Hiroshi. Lorsque chacun eut trouvé un ou deux camarades, il ne restait plus que Shigeru, Kami et Kota.

Shigeru: Ah, vraiment? Les groupes sont déjà constitués? Bon, les deux terreurs, on dirait qu'on va passer quelques soirées épiques ensemble, non?